Les écoles du futur marseillaises à l’échelle nationale ?
En visite à Marseille le jeudi 2 juin, le président de la République et le ministre de l’Éducation nationale ont fait le point sur le projet des « écoles du futur », destiné à s’élargir à l’échelle nationale.
Hier, le président de la République, Emmanuel Macron, accompagné du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, se sont rendus à Marseille pour présenter les grandes lignes de « l’école du futur ». Derrière ce terme, l’idée de donner davantage de liberté et d’autonomie aux équipes pédagogiques, afin de bâtir un système scolaire plus juste et plus inclusif.
Le chef de l’État avait lancé cette idée en septembre 2021, lors de la présentation du plan « Marseille en grand », destiné à accompagner la Ville à rattraper son retard dans plusieurs secteurs. Le président de la République et le ministre ont visité une école « laboratoire », d’où il a annoncé vouloir étendre cette approche « partout sur le territoire », et ce « dès l’automne ».
Cette expérimentation vise principalement à donner plus de liberté et d’autonomie aux équipes pédagogiques des établissements scolaires. L’expérimentation marseillaise suscite beaucoup d’interrogations. Ainsi en est-il de l’idée que les directeurs d’école puissent choisir leur équipe, ce qui représente un changement profond du modèle de l’Éducation nationale.
Lancée dans 59 écoles de la cité phocéenne, elle concerne aujourd’hui 11.000 élèves et 630 enseignants pour un total de 41 projets, dont l’écrasante majorité, 80 %, concerne l’éducation prioritaire.
L’État a déboursé 2,5 millions d’euros de crédits pédagogiques pour l’achat de matériel ou la rétribution d’intervenants. Les directeurs d’établissements ont obtenu des décharges supplémentaires d’enseignement pour pouvoir coordonner les projets et les équipes, avec des indemnités pour les réunions et les formations.
Au rectorat, une équipe spécifique accompagne les écoles. « Ces projets sont vivants. Ils nécessitent un dialogue constant avec et entre les équipes. Leur première demande était d’avoir du temps pour se rencontrer, réfléchir et avancer », explique le préfet Christian Abrard, chargé du volet pédagogique de « Marseille en grand ».
À rebours de la structure verticale de l’Éducation nationale, aucun cadrage précis n’est donné par l’administration centrale. Les enseignants ont donc plus de champ libre pour proposer des projets afin d’améliorer l’apprentissage.
Ainsi, la plupart des projets proposés étaient déjà dans les tuyaux ou relégués aux tiroirs faute de financement. Six thèmes principaux ont été identifiés :
- les langues et l’international,
- l’EPS,
- les arts et la culture,
- les sciences,
- l’éducation au développement durable,
- la mise en place d’« espaces d’apprentissages innovants ».
Une école maternelle et une école primaire ont par exemple conjointement proposé un projet intitulé « Élèves d’aujourd’hui, citoyens de demain ». Celui-ci s’axe principalement sur le « hors temps scolaire », ce qui permet d’intégrer les parents d’élèves à l’acte pédagogique, mais aussi d’approfondir la collaboration avec les associations culturelles et sportives d’un quartier difficile. Au programme : ateliers artistiques, après-midi sportives, initiations au jardinage et aux échecs, travail sur l’alimentation.
Ailleurs, l’idée est d’adapter les apprentissages au rythme de chaque élève en décloisonnant les classes et en créant des groupes de besoin. Des discussions sont engagées avec l’agence régionale de santé pour que des équipes paramédicales – orthophonistes, entre autres – viennent effectuer leur consultation sur place.
Une autre école primaire marseillaise a créé un laboratoire de mathématiques pour faciliter les manipulations et permettre la mise en place de classes flexibles, dans lesquelles les élèves ont la liberté de choisir comment s’installer pour travailler.
Plusieurs oppositions au projet voient le jour. D’une part, certains enseignants craignent que cela entraîne la création d’écoles à deux vitesses, entre celles qui bénéficient de ces moyens et les autres.
Les syndicats aussi s’inquiètent, notamment sur la question du recrutement. En mars, 38 postes à « exigences particulières » ont été ouverts. Les directeurs d’établissements ont participé à la rédaction de leur descriptif pour définir les besoins et les compétences requises, comme « disposer de bonnes connaissances en arts plastiques », « maîtriser les outils numériques », « s’engager dans des séances en co-intervention avec des partenaires », selon les cas. Un directeur d’école participera à la commission de recrutement, pilotée par deux inspecteurs de l’éducation nationale.
Au niveau national, des enseignants s’inquiètent aussi. Ils voient dans cette expérimentation une reproduction du modèle de l’enseignement privé, voire de l’entreprise, et une mise en concurrence des écoles.